Thomas IBANEZ quartet / feat. Fabien Mary & David Sausay

Il y a le timbre du ténor : travaillé, sculpté, fignolé, minutieusement poncé ; brut et sans verni, qui cueille l'ouïe. La puissance sonore du Selmer Reference 36 de Thomas Ibanez, nerveuse et lyrique, combine avec excellence des sentiments antagonistes, allant de la brillance à l'évanescence, d'une légère jovialité à une profondeur d'esprit avisée.

Unis dans cet enregistrement, standards et compositions rayonnent d'une intensité commune. Jouvence du Good Old Times ! On devine des références, on reconnaît des grilles ; on ne tarde pourtant pas à s'oublier dans leurs déploiements. Car, l'originalité du saxophoniste prend pleinement racine à l'intérieur de l'Edifice. Son élégante personnalité, travailleuse et sensible, s’emploie à célébrer, toujours et encore, la Tradition.

La version aérienne et cotonneuse de « Embraceable You » fait écho aux grands ténors des origines, Hawk, Dex, Newk... Ces générations pionnières de jazzmen ayant marqué au fer rouge l'esprit de Thomas.
L'histoire de ce disque pourrait se contenir à la compréhension du titre «Wailin'», les thèmes exposés restent en mémoire, et touchent l'évidence.
La session rythmique est jeune et savante. Philip Maniez à la batterie et Thomas Posner à la contrebasse construisent un éventail de tempos inébranlables, tout aussi étonnants dans leurs efficacités théoriques et dans leurs placements rythmiques, que dans l'originalité des discours qui le compose. Swing ; terrible swing, juste ce qu'il faut de feeling, pour que le diable puisse entrer au corps.
Titre éponyme de l'album, la version accélérée à l'extrême de « If I Ever I Would Leave You » illustre à merveille la cohésion du quartet, sa façon de danser ensemble, de tournoyer autour des thèmes, sans les quitter d'une semelle.

J'avise ceux à qui nous n'aurions passé le mot : Patrick Cabon est l'un des pianistes de jazz les plus magiques de l’hexagone. Son jeu espiègle, mélancolique et précis, s'exprime dans les interstices...

C'est après avoir découvert les enregistrements du trompettiste John Swana – accompagné par deux ténors – que l'évidence de jouer en sextet vis le jour. Les proches, Fabien Mary et David Sauzay sont naturellement conviés. Pour la rencontre, plusieurs titres leurs ont d'ailleurs été cousus sur mesure. Leurs interventions éclairées offrent une puissance harmonique à l'ensemble. On ressent une aura bienveillante. Le trompettiste Fabien Mary étincèle de son savoir, de son intelligence osée, toujours swing... son discours inspire la ferveur.
Transmission de générations, on entend une forte complicité entre les deux ténors. Les compositions « Happy Feeling » ou « A Day with You » évoquent, en trame de fond, les joutes d'Eric Alexander et de Grant Stewart. Le style d'Eric a marqué l'un, la vivacité de Grant a inspiré l'autre. Et les conversations vives entre David et Thomas, leurs phrasés imbriqués, offrent au projet une direction sonore marquée.

Dans un répertoire Hard-Bop – Post-Bop faut-il dire ? –, la mission musicale de Thomas Ibanez dépasse le cadre individuel. Son pari sera de rechercher la tutelle des jazzmen qu'il admire, d'établir à l'écoute un lien contigu entre tous. Les combinaisons, alternant nouveaux arrangements de standards et compositions originales, révèlent une écoute fluide du début à la fin de l'enregistrement. Sans conteste, l'énergie de la session est hip. L'ensemble, vif et étourdissant, annonce la primeur d'un jazz actuel solide, puisant avec grâce ses racines musicales dans l'âme des anciens.
Loïs Ognar

"Thomas puise au fond de lui des trésors mélodiques d'une grande sensibilité et nous fait partager des émotions rares" - Jazz-Rhône-Alpes.com
"Le saxophoniste lyonnais aime à travailler sur la mélodie et les timbres avec une sonorité de ténor ronde et une profondeur de chant qu'alimente une mémoire active du Jazz" - Le Progrès